Pris Dans Son Propre Piege
9 Novembre 2004
News HaitiAction.net
About Events Talk News Links Home

Pris Dans Son Propre Piege

"Caught in their own trap"

Lovinsky Pierre-Antoine

Insécurité, persécutions politiques, arrestations brutales et arbitraires, assassinats pour raisons politiques, violations systématiques des droits humains, tels sont les points qui continuent de marquer la conjoncture politique en Haiti. Les rapports des Organisations des droits de l’homme, tant nationales qu’internationales, ont fait état de cette situation alarmante, qu’elles dénoncent avec la plus grande véhémence. Cette situation qui était déjà préoccupante, s’est agravée depuis depuis le 11 Septembre 2004 et surtout depuis le 30 Septembre 2004, dâtes pendant lesquelles, les partisans du Président Aristide ont organisé deux grandes manifestations à Port-au-Prince et au Cap-Haitien, les deux plus importantes villes du Pays, pour exiger son retour, la fin des persécutions politiques, bref le retour à l’ordre démocratique et constitutionnel. 

A côté de cela, les médias regroupés au sein de l’ANMH (Association Nationale des Médias Haitiens), fervants supporteurs du mouvement de destabilisation du processus démocratique mené par l’ancienne opposition alliée aux ex-FRAPH/FADH, continuent de mener, tambour battant, une campagne de désinformation et de dénigrement à l’encontre des militants et cadres de Fanmi Lavalas. On n’a qu’à lire sur le net <<www.metropolehaiti.com>> ou écouter les reportages de radio Métropole pour s’en rendre compte (reportage du Jeudi 28 Octobre 2004, posté à 10:50 h. sur les déclarations du Ministre des Affaires étrangères de la Jamaïque qui exprimait ses préoccupations par rapport au climat de violence qui sévit en Haïti; reportage du Jeudi 4 Novembre 2004, posté à 11:09 h sur l’assassinat de l’officier de police Louis Dieufène, responsable du Service des Sapeurs Pompiers au Commissariat de Port-au-Prince, dans le quartier de Poste-Marchand à Port-au-Prince). Toute analyse, tout reportage sur des actes de violence, sont ramenés à ce que cette station de radio appelle les “chimères Lavalas” qui sont vilipendés et culpabilisés et à qui tous les maux d’Haiti sont attribués. Ces reportages de radio Métropole et d’autres médias de l’ANMH comme Radyo Kiskeya, Radio Caraïbes, Radio Vision 2000, Radio Ibo, Télé Haiti…etc servent à préparer psychologiquement l’opinion au massacre des partisans du Président Aristide, comme cela s’est passé au Rwanda, conduisant au génocide des Tutsis en 1997-1998.

Les déclarations des Leaders de l’ancienne opposition, Le professeur Micha Gaillard du CONACOM/Convergence Démocratique (un soit disant regroupement de partis de gauche, se prostituant allègrement avec l’extrême droite mais ayant paradoxalement des liens étroits avec l’International Socialiste), le Professeur Hubert Deronceray (Grand Front Centre Droit, représentant l’aile dure du secteur macoute) font bien allusion à un massacre en préparation lorsqu’ils accusent le Premier Ministre de facto d’agir avec trop de molesse à l’égard des partisans de Fanmi Lavalas. Ils lui demandent de faire appel aux anciens militaires qui sont rompus aux techniques de la répression pour régler définitivement le problème des partisans de Lavalas qui osent sortir dans les rues en aussi grand nombre pour organiser des manifestations. Il faut en finir une fois pour toutes avec ces gens-là.

La manipulation de l’information par les médias en Haiti en vue du sabotage du processus démocratique, n’est un secret pour personne. Cela s’appelle cela de la diversion, de la perversion médiatique, dans la mesure où les plus de 4.000 criminels libérés de prison par les ex-FRAPH/FADH au moment de leur mouvement de destabilisation en 2003 et début 2004 se sont volatilisés, dans la mesure où les anciens FRAPH/FADH (Front pour l’Avancement et le Progrès en Haiti/Forces Armées d’Haiti) ne sont eux-mêmes que de petits saints, dans la mesure où la justice haïtienne ne sert qu’à blanchir des criminels notoires comme Louis Jodel Chamblain Ex-numéro 2 du Groupe para-militaire FRAPH.

Depuis le 29 Février 2004, la violence politique en Haïti a fait plus que 7000 morts parmis les partisans du Président Aristide. L’organisme des droits humains de l’église catholique en Haiti, “Justice et Paix” avait dans un rapport publié en Mai 2004 avait fait état de 2000 cadavres (chiffre partiel) retrouvés dans les rues de Port-au-Prince pour les deux mois Mars et Avril 2004 qui ont suivi le coup d’état du 29 Février 2004. D’autres organismes nationaux des droits de l’homme tel le CDPH (Comité de Défense des Droits du Peuple Haitien) tirent également la sonnette d’alarme par rapport à la détérioration accélérée de la situation des droits de l’homme. Le CARLI (Comité des Avocats pour le Respect des Libertés Individuelles, de son côté a dénoncé la recrudescence des cas d’exécutions sommaires dans les quartiers populaires de Port-au-Prince, des cas d’assassinat d’enfants de rue dont les cadavres de quatre d’entre eux ont été retrouvés à la morgue de l’Hopital Général à Port-au-Prince. Le CARLI a également dénoncé de nombreux cas de viols multiples perpétrés sur des femmes et des enfants dans ces mêmes quartiers.

Il faut noter que pendant les trois années du premier coup d’état contre le Président Aristide (1991-1994), le viol était une arme politique utilisée par les anciens militaires et les membres du FRAPH contre les partisans du Président Aristide. Au moment du coup d’état de Février 2004, le BAI (Bureau des Avocats Internationaux) travaillait sur le dossier de ces nombreuses femmes victimes de ces viols en vue d’un procès de l’envergure de celui du Procès de Raboteau (un des plus grands procès réalisés sous le gouvernement Lavalas pour faire reculer les frontières de l’impunité, en Septembre/Octobre 2000 contre les criminels impliqués dans le massacre du 22 Avril 1994 à Raboteau, Gonaïves). La CIDH (Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme) et Amnesty International ont aussi exprimé, sans condamner le Gouvernement de facto, leur préoccupation face à la dégradation rapide de la situation de droits de l’homme en Haiti. Sans mentionner le cas de nombreux autres prisonniers détenus sans procès et de manière injustifiée, les religieux et les religieuses de l’archidiocèse de Port-au-Prince sont sortis de leur silence pour dénoncer, en s’appuyant sur le droit canon, le cas du Révérend Père Gérard Jean-Juste arrêté et détenu sans jugement. Dans les milieux généralement bien informés, des rumeurs persistantes circulent, selon lesquelles, pour plusieurs de ces arrestations comme celle du Curé de la Paroisse de Sainte Claire de Petite Place Cazeau, les instructions sont sorties directement de l’Ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince. C’est ce qui explique la brutalité avec laquelle l’unité cagoulée (genre ecadron de la mort) de la PNH(Police Nationale d’Haïti) a procédé à l’arrestation du Révérend Père Gérard Jean-Juste, avec utilisation excessive et abusive de la force. www.epica.org, Masked haitian police shoot children while arresting Priest By Bill Guigley). On n’avait noté la même brutalité lors du kidnapping de Sò Anne (Annette Auguste pendant lequel les marines américains ont agi directement. Sur le site web de Haiti Action Committee: http://www.haitiaction.net, nous lisons: 600 killed in 2 weeks, Death squads rampage in Haiti, Transcript from Flashpoint Radio interview by Dennis Bernstein and Kevin Pina).

Ti Tanyen, le tristement célèbre charnier à ciel ouvert, utilisé par les régimes de Duvalier Père et fils et pendant les trois années coup d’état du 30 Septembre 1991, par le régime militaire du Général Raoul Cédras et du Colonel Michel François, a repris du service. La presse internationale a fait état de la découverte de plusieurs cadavres dans ce charnier qui est situé au Nord de la capitale haitienne, parmi eux des gens récemment arrêtés par la Police. A Cité Soleil, à La Saline, à Martissant, à Grand Ravine, à Carrefour-Feuilles…etc, les chiens et les porcs, déambulant dans les rues, ont recommencé à manger des cadavres abandonnés au hasard des tas d’immondices. Le Directeur de la morgue de l’Hopital Général à Port-au-Prince se plaint de ce que la morgue regorge de Cadavres et ne peut plus en recevoir d’autres. Il s’est vu obligé de demander aux parents d’acheminer les morts ailleurs. La situation n’est pas meilleure dans les villes de province où la population est livrée à la merci des ex-FRAPH/FADH qui y font régner leur loi. Ils sont à la fois policiers, juges, gardiens de prison, avec le droit de vie et de mort sur leurs victimes.

Le gouvernement de facto en Haiti, à travers les déclarations de son Premier Ministre, n’a raté aucune occasion pour essayer de mettre cette situation sur le compte des partisans de Fanmi Lavalas, alors que ce sont eux les principales victimes du régime de terreur instauré par le Duc de Boca Raton. Dans l’une de ses dernières déclarations, le Premier Ministre de facto haitien, Monsieur Gérard Latortue, cherchant un bouc émissaire, pour détourner l’attention de l’opinion publique, avait même déclaré, à la suite d’André Apaid, le chef du groupe des 184 (fer de lance de l’ancienne opposition), que c’est le Président Jean Bertrand Aristide qui, depuis Prétoria en Afrique du Sud, téléguide la violence. Ce que les autorités sud-africaines ainsi que le Président Aristide ont formellement démenti. Le Président Aristide, tout en pronant un franc dialogue pour sortir le pays de l’impasse politique dans lequel il est plongé depuis le 29 Février 2004, dans sa réponse à Latortue, l’a qualifié de menteur et d’assassin qui avoue son crime (www.ahphaiti.org, AHP news, October 20, 2004) . En effet, répondant à une question d’un journaliste haitien sur la brutalité avec laquelle la police a dispersé la manifestation pacifique du 30 Septembre 2004, organisée par la Fondation Trente Septembre et la Cellule de Réflexion et de Communication des Bases de Fanmi Lavalas et sur la fusillade des policiers en direction des manifestants qui provoqua la mort de plusieurs d’entre-eux Gérard Latortue a répondu avec un sourire teinté de mépris : <<Nous avons tiré sur eux, il y en a qui sont tombés, d’autres ont été blessés, d’autres encore ont pris la fuite>> (Journal Haiti Progrès, page 17, 4e colonne, 2e paragraphe, Vol. 22, No 33du 27 Octobre au 3 Novembre 2004)

Ce qui va mettre de l’eau au moulin des tortionnaires de Latortue, c’est le lancement d’une soit disant “Opération Baghdad” qu’auraient lancée les militants Lavalas. Qu’en est-il exactement?

Les grandes manifestations des 11 et 30 Septembre 2004 dans au moins deux des principales villes du pays, ont créé une certaine panique dans le camp des putchistes du 29 Février 2004 qui sont les mêmes que ceux du coup d’état du 30 Septembre 1991. Avec le slogan Résistance Pacifique et Mobilisation Permanente, la grogne populaire contre le coup d’état gagnait du terrain. Il fallait développer de nouvelles stratégies pour tuer le bébé dans l’oeuf et garantir le succès du coup d’état.

Le terme “Opération Baghdad” et cette opération elle-même ont été conçus, lancés par le Gouvernement de facto de Gérard Latortue, avec le support technique du laboratoire fonctionnant à l’intérieur de l’Ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince. Il s’agit de recruter un certain nombre d’agents au nombre de 200, tous des ex-FRAPH/FADH, avec qui, une unité spécialisée a été mise sur pied au sein de la PNH (Police Nationale d’Haiti) pour la perpétration d’une série d’actes d’assassinat les uns plus révoltants que les autres (décapitation des cadavres, les abandonner dans la rue ou sur des piles d’immondices pendant de longues heures, les laisser en pature aux porcs et aux chiens) et d’en attribuer, avec le support des alliés du coup d’état (les Médias de l’ANMH et les organisations des droits de l’homme, financés par l’USAID) la responsabilité aux partisans de Fanmi Lavalas. Cette unité de la Police a son bureau , non pas à la Direction Générale de la PNH, mais à la Primature. Elle dépend non pas du CSPN (Conseil Supérieur de la Police Nationale), mais directement de l’Ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince de qui, elle reçoit ses instructions. Ce n’est plus une Ambassade, c’est un véritable Quartier Général des Forces Obscures. Il s’y passe des choses qu’aucun citoyen américain n’oserait imaginer, parce que ne relevant pas des attributions d’une mission diplomatique. Par exemple, la justice haitienne n’a jamais apporté d’éclaircissements sur les raisons qui justifient la présence d’une voiture de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique en face des locaux de Radio Haiti Inter, le 3 Avril 2000, peu de temps avant l’assassinat du plus célèbre journaliste haitien. Un autre fait insolite: c’est dans une voiture de l’USAID que le Président du Conseil Electoral Provisoire Maitre Léon Manus a pu quitter le pays, après les élections du 26 Novembre 2000, pour se rendre en République Dominicaine, après avoir, avec la complicité de Monsieur Orlando Marville, Chef de la Mission d’Observation de l’OEA, jetté sa bave sur un processus électoral qu’il a lui même préparé.

Le terme “Opération Baghdad” a été utilisé pour la première fois, au tout début du mois d’Octobre 2004, par Jean-Claude Bajeux, Directeur du Centre Oeucuménique des Droits de l’Homme, COEDH, et membre de la Convergence Démocratique (ancienne opposition) et relayé avec un luxe de détails par les médias de l’ANMH et la presse internationale. Alors que Jean-Claude Bajeux et son COEDH, véritable pion de l’Ambassade américaine pour la désinformation, à un moment où la NCHR (Coalition Nationale pour les Droits des Haitiens) a perdu toute crédibilité, imputent l’”Opération Baghdad” aux “Chimères”  Lavalas, pour répéter ses propres termes, Joseph GuilerC. Delva, Secrétaire Général de l’AJH, Association des Journalistes Haitiens, dans une interview accordée à une revue Brésilienne: REVISTA FORUM, affirme que le terme “Opération Baghdad” que Gérard Latortue se plait tant à clamer à longueur de tournée, comme pour en faire la promotion, n’est utilisé que par lui et lui seul. Il dit qu’il n’a jamais entendu les militants Lavalas évoquer une pareille opération.

Il faut bien se demander, depuis la fin de l’année 2003 jusqu’à maintenant, comment et de quoi vivent les ex-FADH/FRAPH? Pourquoi sont-ils tolérés à un point tel qu’ils insultent et maltraitent ou arrêtent des policiers? Ils font souvent patrouille commune ou mênent des opérations avec la PNH et/ou la MINUSTHA? Où trouvent-ils ces billets verts (dollars américains) qu’ils dépensent avec tant d’arrogance? Pour qui travaillent-ils? Qui les paie? Où trouvent-ils des armes et des munitions, du carburant et des voitures pour circuler? La réponse est qu’ils sont en mission depuis la fin de l’année 2003 et que la mission continue.

Avec le lancement de cette fameuse “Opération Baghdad”, d’une pierre, le laboratoire fait deux coups: des policiers, qualifiés de Policiers Lavalas parce qu’ils sont allés repousser les attaques des anciens militaires et des anciens membres du groupe para-militaire FRAPH du côté de la frontière haitiano-dominicaine en 2003 et début 2004, sont les cibles de cette opération et sont sacrifiés, des Militants Lavalas sont exécutés, parce qu’ils sont ciblés eux aussi, et d’autres sont arrêtés et emprisonnés sans avoir pu comparaitre devant un tribunal impartial parce qu’ils seraient les auteurs de “l’Opération Bagdad”

C’est dans ce contexte qu’il faut saisir les nombreux raids de la Police accompagnée de la MINUSTHA (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haiti) dans les quartiers populaires de Port au-Prince et des villes de Province considérés comme des points chauds (Cité Soleil, La Saline, Martissant, Carrefour, Grand Ravine…etc). Le dernier en dâte, est l’attaque d’un commando de la Police contre le quartier populaire de Fort National au Centre de Port-au-Prince qui a fait 13 morts, dont des enfants revenant de l’école.

Quels sont les résultats immédiats de cette campagne de terreur?

1- 600 morts en deux semaines, aussitôt après les manifestations du 30 Septembre 2004.

2- Le Dépatement d’Etat américain, le Ministère des Affaires Etrangères du Gouvernement du Canada ont simultanément demandé à leurs ressortissants respectifs d’annuler tout projet de voyage en Haiti considéré comme un pays à risque.

3- Le FMI (Fonds Monétaire International) et La Banque Mondiale ont renvoyé aux calendres grecques une mission conjointe qu’ils allaient effectuer en Haiti au cours du mois d’Octobre 2004. Le milliard joyeusement promis, n’est pas pour demain. Mais l’administration américaine vient de lever l’embargo sur les armes à destination d’Haiti. Avant la décision américaine, Latortue reconnaissait publiquement, qu’il s’approvisionnait en armes sur le marché de la contrebande.

4- Le Gouvernement de facto et la MINUSTHA se fâchent et s’accusent l’un l’autre…  

5- La situation politique continue de s’embourber.

6- Le peuple, continuant de manifester son rejet du régime de facto, n’arrête chanter et de crier: Démocratie ou la mort.  


Tel est pris, qui croyait prendre.

Lovinsky Pierre-Antoine
Coordonnateur National - Fondation Trente Septembre

Consultant à EPICA, Programme sur Haiti EPICA
Ecumenical Program on Central America & Caribean
9 Novembre 2004